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Textes sur Philippe BRAME

Quelques témoignages sur l'artiste ...

En mémoire de Lucien Hervé,

2016 – Exposition des œuvres photographiques de Philippe Brame

Ronchamp, une architecture de lumière

… / Peut être sait-il attendre que ses yeux s’ouvrent à travers la matière du sujet, au lieu de se complaire à raconter…J’aime ce qu’il apprend à regarder. J’aime lui entendre dire : l’espace est dans le sujet s’il est vraiment regardé, aussi ce n’est pas la peine d’en rajouter. Il n’y a pas de « mise » en espace, ou alors il n’y a pas de sujet. L’objectif du photographe est ici l’indicible. Lucien Hervé*1 2002.

  Fin mai 2007, un frère franciscain me proposa de poser mon regard sur la chapelle de Ronchamp construite par Le Corbusier dans les années cinquante. Lucien Hervé qui fut le photographe de Le Corbusier m’avait déjà parlé de cet édifice particulier et de la manière dont il l’avait photographié. Je répondis à ce franciscain que j’allais méditer et que je lui donnerai une réponse en juin. Le jour de ma réponse, j’appris la mort d’Hervé, étrange coïncidence, ma peine m’invita à l’ouvrage …

Les prises de vues furent effectuées essentiellement au moyen format argentique, durant les solstices et les équinoxes de 2007 et 2008, car je voulais transposer mon approche de Vézelay effectuée quelques années auparavant, à Ronchamp que je définissais comme de même « nature », considérant toutes les transpositions fondamentales que demandait le passage entre XIIe et XXe siècle… En 2003 et 2004, j’avais réalisé « Gloires de l’ombre », travail patient en compagnie de la Basilique de Vézelay, où le secret de la lumière est dans l’ombre.  « Si nous écoutions la lumière modeler la parole de la nuit. Ainsi qu’il nous est ici proposé. …/… » écrit alors Dominique Ponnau*2. La Chapelle de Ronchamp devint une suite naturelle de ce travail, tant elle m’apparaissait en quelque sorte comme une architecture romane contemporaine, un espace vibrant, un lieu poétique.

L’exposition est composée de différents formats de tirages en  noir et blanc qui dialogueront les uns avec les autres. En fonction de chaque lieu, de la particularité de l’espace de représentation, ici  la Porterie Notre-Dame du Haut construite par Renzo Piano, j’essaye de frayer de nouvelles pistes d’interprétations par des recadrages, modifications de tonalités, association d’images … un peu à la manière d’un chef d’orchestre avec ses différents pupitres. Chaque nouvelle articulation de mes photographies nécessite de concevoir la disposition du passage entre les œuvres. J’accorde beaucoup d’importance au placement du silence car il permet à la musique visuelle de prendre sa juste respiration dans l’espace, engendrant formes, volumes et contrastes ; donnant à voir l’infinie présence de cette architecture de lumière.

@Philippe Brame

*1 Lucien Hervé est considéré aujourd’hui comme l’un des cinq grands photographes hongrois avec Mohol-Nagy, A.Kertesz, F. Capa et Brassaï). Il fut notamment l’ami et le photographe de Le Corbusier et de nombreux architectes comme Niemeyer, Peï…mais aussi d’artistes tels que Miro, Matisse, Willy Ronis …

*2 Dominique Ponnau, Conservateur général du patrimoine, Directeur honoraire de l’Ecole du Louvre, auteur de nombreux ouvrages.

Un musée est une collection publique, offerte à tous. C’est un lieu de culture, de rencontre, de liberté.  Ce qui s’y passe est pour chacun de l’ordre de l’intime. Et parfois, oh miracle, cette alchimie de l’intime est mise en partage. Une création génère une nouvelle création dans la liberté. C’est ce qui nous est donné ici, né de la rencontre de la sculpture de Camille Claudel et d’un artiste photographe et poète : Philippe Brame.

J’insiste sur la notion de liberté et d’autonomie de création. Ce fut le combat de Camille Claudel qui s’est formée et a débuté sa carrière d’artiste dans l’ombre de Rodin.  À partir de 1888, son énergie vitale s’est focalisée avec toujours plus d’intensité sur un seul but : faire œuvre personnelle. C’est dans cet état d’esprit que le travail de Philippe Brame est accueilli au musée de Nogent -sur-Seine.

Et pourtant, rayonne dans certaines de ses photographies, le génie poétique de Camille Claudel : le geste suspendu du couple de la Valse, le sentiment maternel plein de douceur de l’Aurore, une version de la petite fille des Islettes réalisée par l’artiste enceinte, et bien sur,  toute la tension qui réside dans l’espace entre la main de l’homme qui pointe en direction de la jeune implorante et s’en détache inexorablement du groupe de l’Age mûr.

Cette sculpture annonce en quelque sorte la dernière page tragique de la vie de Camille Claudel. La critique ne s’était pas penchée sur la signification du groupe lorsqu’il fut présenté au public en 1898. C’est Paul Claudel qui en dévoile le caractère d’allégorie en 1951. Il écrit : « Mais non, cette fille nue, c’est ma sœur ! Ma sœur Camille, implorante, humiliée, à genoux, cette superbe, cette orgueilleuse, c’est ainsi qu’elle s’est représentée. Implorante, humiliée, à genoux et nue ! Tout est fini.  C’est ça, pour toujours, qu’elle nous a laissé à regarder. Et saviez-vous ? Ce qui s’arrache à elle, en ce moment même, sous vos yeux, c’est son âme ! C’est tout à la fois, l’âme, le génie, la raison, la beauté, la vie, le non lui-même. »

En poète, Philippe Brame investit ces derniers mots du texte de Paul Claudel et nous les donne à vivre par la plastique et la lumière de son travail.

Françoise Magny, Conservateur en chef du patrimoine. 2013.

Camille Claudel – La lumière procède du noir

Mettre en suspension le point de vue afin de libérer l’espace du corps de ses contours raisonnés*, enfermé seul dans la grande salle où reposaient les ombres lumineuses de Camille Claudel, avec mon appareil moyen-format, je comprenais alors du bout des yeux, la peau de chagrin qui sépare le rêve éveillé du cauchemar endormi. Il y a des nuits où la vie des choses apparait au grand jour, de sombres histoires deviennent le reposoir où la lumière mendie sa clarté, une terre cuite coulée dans le bronze aussitôt saigne le sens même de l’éphémère. L’œuvre à photographier avait l’âme entaillée par les débris d’une vie, en elle, brillait l’étincelle jalouse d’un feu consumé. Comme un enfant isolé, j’ai essayé de lire la grammaire charnelle, les mots de la matière, la lumière transpirée et le secret passage entre les formes. Voir sans raconter, écrire l’âpre contraste d’une indicible beauté qui vous sculpte le regard jusqu’à l’entre-voir.

A l’intérieur du corps, un autre corps, autre chose que la chose cuite avant d’être coulée, justement ! Ici rien ne meurt tant la lumière pleure. Une lumière qui procède du noir, des lignes écrites avec la gloire des ombres, des cadrages pétris à la main. Des éclats vifs, tranchés, presque en fusion, où le noir et blanc sont comme deux amants aimantés par la texture matérielle du moindre volume. Une sorte d’image cachée sous l’apparente obscurité, une lueur résistante aux charmes de l’analyse. Un testament amoureux.

… attendre que l’œil soit accueilli évite de frapper avant d’entrer. Puis pénétrer sans se répandre, à l’intérieur ne rien toucher, si ce n’est l’âme de l’objet. En révéler quelques reflets dans la chambre noire de l’atelier, sur du papier baryté, exposer cette longue traversée.

@Philippe Brame

* Corps espacé – 2008 – ADAGP Philippe Brame.

Lorsque Philippe Brame m’a demandé d’écrire la préface de son album de photographies et de poèmes, ma réaction immédiate fut la dérobade parce que je ne suis pas l’amateur idéal pour apprécier cet art ; dès lors, incompétente pour juger de la valeur artistique de son travail.

Puis, après les quelques entretiens que nous avons eus au cours de nos rencontres, j’ai accepté ; et tant pis pour lui, si ces lignes ne reflètent pas sa pensée, mais suggèrent quelques réflexions personnelles sur la façon dont ce photographe a ressenti et interprété quelques unes des œuvres de la grande artiste Camille Claudel.

Camille Claudel, dans un mouvement d’humeur, avait dit qu’en matière d’art elle n’y connaissait rien et qu’elle laissait cette question oiseuse à d’autres qui n’y connaissent pas mieux qu’elle. En ce sens ma préface ne sera pas une critique savante de l’habileté des lumières, du choix de la pose ou de je ne sais quel artifice pour obtenir les meilleurs effets ; elle est une réponse aux questions que posent ces images. Le premier cliché représente une main ou plutôt quatre doigts sur une surface qu’on devine être un dos ; on comprend que Philippe Brame s’introduit au cœur de la sculpture de Camille Claudel, par la magie de la main, l’organe créateur : la main qui tient le ciseau, qui taille à vif dans le marbre ; la main qui pétrit la glaise et donne vie et âme à la matière. La main est omniprésente chez Philippe Brame. Il l’a photographiée au moins cinq fois, soit seule, soit à l’extrémité d’un bras qui pend, « détaché comme une branche terminée par le fruit ».

Le thème de la mort, cher à Camille Claudel, surgit avec l’image de Clotho, la vieille qui déroule le fil de la vie. Le photographe a passé de longs moments à scruter ce visage décharné, ossifié, que prolonge un cou démesurément long comme un coup de poing.

A la page suivante, on imagine « La Valse », car Philippe brame ne donne jamais une image directe de l’objet, mais la prépare comme une esquisse. Il ne m’a jamais parlé des produits utilisés pour ses tirages – si tant est qu’il les réalise lui-même – ce que je crois, mais il doit avoir ses secrets. Ce qu’il donne à voir, c’est la matière plus que le sujet, certes présent, mais plus comme une étape du processus de création. Les valseurs apparaissent ensuite à mi-corps. Au détour de cette prise de vue, le photographe s’efforce de saisir le secret enfoui dans l’œuvre, secret d’amour ou peut-être secret de mort, comme le disait jadis un critique.

Plus loin on voit une main en vis-à-vis d’un contour de visage ; d’un côté la forme, de l’autre l’idée. Camille Claudel s’était exprimée sur l’idée et la forme : « Mon grand désir, mon idéal est de mettre dans les formes que je tire de la pâte, une idée ! [ … ] L’idée ne suffit pas ; je veux l’habiller de pourpre et la couronner d’or ».

Brame recherche le poème enfoui dans l’œuvre ; son appareil sculpte l’objet pour donner une certaine idée du sublime. Le traitement de la lumière toujours indirecte ou tamisée, fait alterner brillances et matités. Il joue avec les transparences comme un tableau aquarellé. Ainsi l’image d’un chignon n’est plus un chignon, mais une plage de sable gravée de sillons.

Quand Brame photographie le visage de « L’Implorante », ce n’est plus « L’Implorante », c’est le regard de Camille Claudel qui supplie, qui crie à l’aide. Le spectre de Camille apparait ; l’objet s’efface devant le sujet. En cela Brame serait le digne suiveur de Félix Nadar. Pour Nadar ce qui ne s’apprend pas c’est « l’intelligence morale de votre sujet qui vous permet de donner la ressemblance intime ». Ce n’est plus une image qu’on obtient mais presque un autoportrait de l’artiste. Son objectif fouille les plis, les creux et les bosses de cette figure ravagée par la souffrance. Dans les yeux, brille une larme.

Parfois la photographie de Brame est presque noire. Seule une tache de lumière, sur un nez, une cuisse, une bouche, un amalgame de membres et de têtes, d’où sa définition que « la lumière procède du noir » ;

Enfin apparaît l’objet, le modèle : « L’Abandon » sort de l’ombre, dans l’intimité de l’alcôve, comme un poème d’amour.

Ainsi ce clôt cet album sur l’image d’un dos qu’enserrent deux mains sur le grain de la peau.

Les photographies de Philippe brame nous touchent. Elles invitent au rêve. Notre regard erre au gré de la lumière qui mange les formes.

Reine Marie Paris. 2013

Petite-nièce de Camille Claudel

Aux gloires de l’ombre de Philippe Brame.

… Je ne suis pas pèlerin ni moine : moi, homme gâté d’un monde différent.
Maintenant Dieu est plus loin, la beauté reste encore proche.
Le corps de la basilique nous redresse. Je le sais car un ancien ami, Igor Raznikoff m’a dit qu’il était construit comme un instrument de musique et quand l’on chante
d’une certaine manière, le son peut résonner sur une octave supérieure.
La lumière de la basilique a aussi sa musique.
Et c’est là que je veux parler de Philippe Brame.
Son regard se tourne vers la profondeur. Vers l’obscurité aussi, qu’habitent nos peurs.
( Même notre fascination du noir parle de nos secrètes frayeurs ).
Ce monde intérieur sombre a besoin de lumière calme, de résonnances profondes,
d’une juste mesure. Le regard de Philippe Brame ouvre des chemins de lumière ou la clarté peut avancer lentement, à pas régulier jusqu’à nous.
Elle touche le sol, petite musique tactile, affinité profonde entre la terre et la lumière.
Ailleurs elle reste suspendue, aérienne en tâches d’une égale intensité, laissant le regard se tranquilliser.
Puis elle s’adoucit sur les colonnes, va jusqu’au noir, ou par des reflets, elle éclaire discrètement des zones sombres. Ce regard sobre, sans théâtralité nous réconcilie avec l’obscurité et lentement nous fait découvrir la beauté qui l’habite à notre mesure …

Alexandre Hollan
Peintre – 2010 ( extraits)

PHILIPPE BRAME
Auteur, Photographe.

A la lecture des différents textes consacrés au travail de Philippe Brame, il apparaît clairement deux axes de travail qui se rejoignent et induisent inévitablement l’étendue des sensations éprouvées devant ses photographies.
L’épure, d’une part, avec le choix délibéré de s’arrêter sur le « détail » (qui ne doit pas être compris comme l’élément anecdotique mais au contraire ce qui fait l’essentiel de ce qui est montré)
Le duo Ombre/lumière serait à la limite du Caravagisme 3, si ce n’était pour offrir des images aux éclairages naturels souvent légers, parfois plus tranchés. Le photographe ne met pas en scène, il offre un regard. L’ombre se joue du relief, la lumière même ténue invite, comme dans la série des églises, à la contemplation, au silence. Il nous permet d’accéder à un instant privilégié volé au temps. Celui là même où il est resté à attendre.
Le moment de l’image capturée en une fraction de seconde semble, alors, devoir durer une éternité?…l’ombre qui procède de la fragilité et la force de la lumière offerte est instantanée, ses photographies ne le démentent pas « l’ombre d’un instant ». Le spectateur sait, lui aussi, que le moment suspendu va disparaître, a disparu et que ce qui est offert à voir le place dans l’immédiateté de la vie.

« S’il y a donc une opacité des “ombres portées” par les corps, il y a également une ombre du blanc, une “lumière portée”, une lumière-temps quasi immatérielle. »4 a t’ on envie de reprendre pour le compte de Philippe Brame.
Mais ce qui fait l’essence du travail du photographe est clairement exprimé par son « Maître » Celui qui connaît, transmet son savoir et offre bien plus qu’un simple « héritage »:

« La photographie parle. Notre regard écoute…Les ombres portées peuvent disparaître comme le soleil en une seconde, et transformer tout ce que je vois mais le regard reste immuable, il inscrit ce que je vois en permanence au cœur même du mouvement. Prenons par exemple cet œil de cheval, Philippe Brame a le culot de montrer l’œil d’un animal suffisamment riche contrairement à ce que l’on croit, et c’est essentiel. Peut être sait-il attendre que ses yeux s’ouvrent à travers la matière du sujet, au lieu de se complaire à raconter.
Ce matin, j’ai repris une conversation commencée avec lui il y a trois ans, avec pour exigence d’enlever les « scories » encore présentes dans ses œuvres. J’ai « découpé de l’œil » recadré jusqu’à exclure toute anecdote. J’aime ce qu’il apprend à regarder. J’aime lui entendre dire: l’espace est dans le sujet s’il est vraiment regardé,aussi ce n’est pas la peine d’en rajouter. Il n’y a pas de mise en espace, ou alors il n’y a pas de sujet. L’objectif du photographe est ici. La vie rien moins que la vie, de ce moins tellement plus! Merci à toi » Lucien Hervé 3) à Paris le 27 avril 2002.

Un échange:

Ronchamp, sur les traces d’Hervé« Fin mai 2007, un frère franciscain vient à ma rencontre pour me proposer de poser mon regard sur la chapelle de Ronchamp construite par Le Corbusier dans les années cinquante. Lucien Hervé qui fut le photographe de Le Corbusier m’avait déjà parlé de cet édifice particulier et de la manière dont il l’avait photographié. Je répondis à ce franciscain que j’allais méditer et que je lui donnerai une réponse en juin. Le jour de ma réponse, j’appris la mort d’Hervé, étrange coïncidence, ma peine m’invita à l’ouvrage…
Les prises de vues furent effectuées durant les solstices et les équinoxes de 2008 et 2009, je voulais transposer mon approche de Vézelay effectuée quelques années auparavant à Ronchamp que je définissais comme de même « nature », considérant toutes les transpositions fondamentales que demandait le passage entre XIIe et XXe siècle…
Ronchamp, sur les traces de Lucien Hervé est une exposition composée de différents formats de tirages noir et blanc et couleur qui dialoguent les uns avec les autres comme différents pupitres ou sonorités d’un orchestre de musique « romane contemporaine »… Les six œuvres présentées sont extraites de la partition centrale, ce sont des photographies couleurs qui pour certaines, s’apparentent plus à de la photographie noir et blanc, je les appelle d’ailleurs « blanche » ou « noire » en référence à l’écriture musicale qui se joue dans la résonance entre les différentes photographies et leurs formats. Ici la lumière procède du noir comme l’annonce « blanche/1 », les couleurs sont lignes « ligne 1 » ou encore « ligne 3 » avec des sonorités d’instruments à vent ; à chaque nouvelle articulation des œuvres, un silence prend la direction musicale jusqu’à ce qu’une musique visuelle prenne formes, volumes, contrastes. Le puzzle sonore montre et démontre l’infinie présence de cette architecture de lumière. »

Philippe Brame, vit une histoire d’amour avec la Hongrie (pour la première fois il y a 20 ans) Il y travaille et retourne dans « son second pays » régulièrement pour visiter ses amis, pour enseigner la photographie et y exposer. En 2009, à la Pintér Szonja Kortárs Galéria, Il présente 90 de ses clichés, illustrant les thèmes majeurs de son œuvre pendant ces dernières années. Un espace présente ses corps espacés, un autre avec des photographies en couleur de Ronchamp, une autre salle propose un dialogue entre l’église de Vézelay et celle de Le Corbusier, puis une dernière avec des mélanges clin d’œil …

Béatrice Meunier

Artothèque éphèmère/ ORCCA/ Région Champagne-Ardenne. Le 22 mars 2010.

2) Lucien Hervé (1910-2007) est l’un des rares photographes français à allier philosophie humaniste et pensée architecturale. Ses cadrages en plongée, ses vues en oblique, un certain dépouillement et une volonté
d’abstraction caractérisent un style photographique très différent de celui de ses contemporains.
3) en référence à la lumière qui semble émaner des objets eux-même
4) L’OMBRE DU BLANC, Préface du catalogue Bernard Moninot Galerie nationale du jeu de paume, Christine Buci-Glucksmann , Paris, 1997

Casser un bout du temps turbulent
Mes chers amis, nous sommes venus fêter les photographies de Philippe Brame. Saisir autant que possible, le secret qui s’empare des spectateurs devant ces images.

Contre la croyance générale la fabrication d’image, soit avec appareil photo, soit avec un pinceau ou autres, n’est pas le résultat d’un processus de ramassage. On rassemble les trésors, les formes et les couleurs, les ombres et quand notre sac est vraiment rempli on assemble les éléments et l’image est prête. Mais non, pas du tout!
Bien sûr il y a du ramassage à belles mains, les sacs sont mis ensembles, pleins de vertiges et de frayeurs, ils sont au coin de l’atelier, sous le lit, au grenier; c’est-à-dire stockés tant bien que mal dans notre maison intérieure. Mais l’essentiel du travail, la partie la plus importante est le choix juste. A un moment donné dans la maison pleine de merveilles, il faut trouver l’élément qui est le seul honnête. On fouine dans les sacs toute la journée : une ancienne théière, belle, avec des motifs bleu de cobalt; un brouillard bleu ardoise au-dessus d’un lac québécois, qu’à travers perce le rouge des forêts de chênes automnales; un mystérieux dos de femme à moins que ce ne soit une pente de colline en contre-jour; arbres, buissons, routes perdues en l’inconnu… Notre domaine est le monde entier. Toute collection est une grande affaire personnelle.
Quant au peintre, il est dans une situation plus facile : c’est lui qui décide ce qu’il va peindre, selon son talent momentané, son inspiration, sa bonne humeur (ou noire), et puis s’il y a quelque chose dont il ne trouve pas la place il peut la jeter sans aucune difficulté. Le photographe, pour ainsi dire, peint l’image entière, une première fois, d’un seul coup quand il appuie sur le bouton : travail difficile, il doit par exemple marcher beaucoup plus, mais surtout il est obligé de créer en lui le silence approfondi de l’atelier, où qu’il soit, dans le remous d’une rue fourmillante, bruyante, au vent mugissant, en route sur le chemin … Là, il lui faut arrêter le temps, créer de l’ordre du silence en quelques secondes, casser un bout du temps turbulent. Créer une vue ou vie qui n’existait pas en réalité, bien qu’apportant une réelle présence.
Le silence de Philippe Brame, la douce magie de ses photos ne sont pas si évidents qu’on le pense. Ce n’est pas l’utilisation de l’appareil qu’on doit apprendre pour qu’une telle photo puisse être faite. Il s’agit ici de construire à l’intérieur de soi un processus de lecture et d’écoute, une vision du monde, un Welt-anschauung qui filtre le monde tourbillonant sans cesse.
Le sujet de bien des photographies qu’il expose est une nature faite par l’homme, un objet d’art si vous voulez, telle que la chapelle de Ronchamp de Le Corbusier. Le photographe, avant qu’il travaille, doit apprendre, découvrir le secret de la matière et du mouvement, scruter toutes les merveilles de l’espace, des proportions, de la lumière tenue à limites et quand il a fait ce travail : il doit neutraliser, taire avec une grande humilité. Il doit enlever tous les contenus pour que le sujet soit devant lui comme un arbre, la mer, une voute, l’horizon qui se perd à l’infini.
Alors seulement, sa propre vision du monde peut ouvrir la bouche et créer; sinon l’image sera une illustration bien faite (ou mal, peu importe) à la sixième page d’une revue de voyage !
Car ce n’est pas la chapelle de Ronchamp qu’on voit avec les photos de Philippe Brame, ce n’est pas seulement la magique vision d’espace de Le Corbusier qu’on admire … ces images transmettent l’univers de leur auteur, sa solitude, sa misère ou sa gaité silencieuse. Un univers qui peut-être nous aide à errer dans la fôret dense. Regardons bien soigneusement ces photographies, gardons avec attention ce qu’elles nous apprennent, nous en aurons besoin aux jours calamiteux.

Szüt Miklos
Pintér Szonja Galeria.
Budapest – Hongrie.
Mars 2009.

Arbres
Trois artistes, une exposition au château de Machy ( 69 ) France.

Brame Philippe
Hollan Alexandre
Szüts Miklos

… / …la nuit aux grandes portes ouvertes, mille brindilles d’étoiles tombent du sol, un feu silencieux attise le geste ou le trait, la verdure sensible d’une courbe grise, l’œil maîtrisé par la lumière accoudée au relief des couleurs et la mort du petit sentiment… / …écoutes le vent du crayon, la brume du pinceau et le  négatif de soleil pour la branche qui prie à l’ombre du manteau ; pins, chênes, bouleaux … aquarelles, fusains, photos, les arbres sont entrés au château… /

A Philippe,
Toucher – voir – sentir – relier –  comprendre – peut-être
Circulez influx – battez cœurs la campagne
Bondissez – touchez – sentez – écoutez
Chantez – volumes – dans l’argile de la chair
Nerfs – capillaires – claviers – chorales
Ondulez corps sous un vent de lumière

Lorand Gaspar 2008

Extraits :

GLOIRES DE L’OMBRE  – Une création de Philippe Brame

…/… La Résurrection n’est pas le contraire de la mort. Ni le jour l’opposé de la nuit. Le jour est la gloire de la nuit. La nuit est la matrice du jour. Si nous osions, contre l’évidence, voir le jour dans la nuit de chaque jour. Si nous ne nous lassions jamais, du fond de la ténèbre, de nous fier à la lumière dont elle est le berceau. Si notre espérance était décantée de l’illusion. Si nous cessions de consentir à la vanité des mots. Si nous laissions la place au Verbe. C’est à dire au Silence. Si nous écoutions la lumière modeler la parole de la nuit. Ainsi qu’il nous est ici proposé. …/…

Dominique Ponnau
Conservateur Général du Patrimoine
Directeur Honoraire de l’Ecole du Louvre
Président du Comité du Patrimoine Cultuel au Ministère de la Culture.
Juin 2005.

L’arbre et l’eau… parabole du mouvement
Une exposition de Philippe Brame à la Pinter Gallery – Budapest 2003.
«On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve» – dit Héraclite. Alors que rien n’est plus évident que les fleuves ne changent pas de place. «On ne regarde jamais deux fois le même arbre» pourrait-on faire remarquer avec une énigme empreinte de présocratisme. Alors que rien n’est plus évident que les humains vont et viennent (il peuvent grandir, changer d’habitation ou mourir), mais les arbres demeurent ; les édifices peuvent s’écrouler, on peut les démolir ou les transformer, mais souvent les arbres restent là, comme s’ils y étaient depuis toujours…
J’ai l’impression que les photos de Philippe Brame tentent à la fois d’entrer dans un temps d’une autre échelle (c’est-à-dire dans le temps de l’arbre et de l’eau), et de le surprendre, de le faire voir.
Il parait que la vie de l’homme s’enrichit inévitablement s’il est capable de vivre des temps qui sont différents du sien. Il y a des personnes qui ne sont guère capables de sortir de leur propre temps. On ne peut percevoir le temps de l’autre que si l’on oublie le sien, si l’on y renonce. Mais peut-être est-il encore plus difficile que nous percevions le temps des plantes, des objets, le temps des éléments… Franchir ce seuil signifie aller le plus loin possible humainement, parce que au-delà de ces confins se trouve déjà ce qu’on appelle « méditation » : le temps divin (ou bien l’intemporalité)…

C’est dans leur simplicité que les photographies de Philippe Brame provoquent. Apparemment elles ne veulent pas quitter ce que nous appelons «le quotidien», comme si elles renonçaient à bon escient à nous divertir. Elles nous montrent ce que nous voyons mille fois, ou plus exactement, ce que nous verrions mille fois si nous avions les yeux pour voir. Ces photographies ne nous guident pas vers des contrées exotiques et ne veulent pas nous dévoiler les moments secrets d’un peuple, d’un paysage ou d’une culture, à peine saisissables pour l’étranger. Au contraire, elles parlent de notre milieu le plus immédiat : nous n’avons même pas besoin de prendre la voiture pour le rejoindre. Elles nous apprennent à regarder, à nous pencher sur quelque chose, et à attendre… – La basilique de Vézelay était une bonne école pour l’artiste : il y passait des heures pour attendre la lumière et il y pouvait approfondir ce langage simple et dépouillé que lui avait déjà enseigné auparavant le minimalisme radical de Lucien Hervé.
Son langage est symbolique. Il naît de l’expérience élémentaire d’une vie inépuisable. Nous ne pouvons partager cette richesse que si nous entrons dans le temps et dans l’espace de l’autre (c’est à dire celui de l’objet : l’arbre et l’eau), sinon, notre regard rebondit sur la surface apparemment austère. Les photographies de Philippe Brame ne commencent à exister pour nous que si elles possèdent un espace, si nous, les observateurs parvenons à un tel degré de quiétude et de renoncement où ni la volonté ni l’imagination ne dominent plus le monde en nous. Il est presque nécessaire de créer notre propre disposition intérieure pour la réception. Autrement, il nous est facile de côtoyer ces photographies sans véritablement les rencontrer. Elles commencent à vivre seulement si nous nous asseyons à côté d’elles et nous sommes capables de faire silence ensemble avec elles et si nous sommes capables d’attendre patiemment que leurs paroles arrivent d’elles-mêmes… Et quand elles commencent à parler, elles sont comme les maîtres orientaux : elles ne construisent pas des systèmes, elles n’ont pas de théories, de plus elles peuvent parfois se contredire – pourtant elles enseignent. Leurs paroles tentent de dire quelque chose avec la concision terre-à-terre et sensuelle des paraboles. – De quoi parlent-elles ? De ce mouvement progressif sur un chemin familier bien que pas encore battu, par lequel nous, les observateurs parvenons jusqu’à l’objet au-delà de l’objet, jusqu’à l’espace au-delà de l’espace, jusqu’au temps au-delà du temps. – Car le chemin, et par conséquence la rencontre aussi, sont chaque fois nouveaux. Ici, avec ces photos, nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve. Tout au plus … jamais…

Varga Matyas
Poète, critique
Avril 2003

La vie est la vie

La photographie parle

Notre regard écoute…

Les ombres portées peuvent disparaître comme le soleil en une seconde, et transformer tout ce que je vois; mais le regard reste immuable, il inscrit la permanence au cœur même du mouvement.

Prenons par exemple cet oeil de cheval, Philippe Brame a le culot de montrer l’œil d’un animal suffisamment riche contrairement à ce que l’on croit, et c’est essentiel.

Peut-être sait-il attendre que ses yeux s’ouvrent à travers la matière du sujet, au lieu de se complaire à raconter.

Ce matin, j’ai repris une conversation commencée avec lui il y a trois ans, avec pour exigence d’enlever les « scories » encore présentes dans ses œuvres. J’ai « découpé de l’œil », recadré jusqu’à exclure toute anecdote.

J’aime ce qu’il apprend à regarder.

J’aime lui entendre dire : l’espace est dans le sujet s’il est vraiment regardé, aussi ce n’est pas la

peine d’en rajouter. Il n’y a pas de « mise » en espace, ou alors il n’y a pas de sujet.

L’objectif du photographe est ici l’indicible. La vie n’est rien moins que la vie, de ce moins tellement plus !

Merci à toi !

Lucien Hervé

à Paris, le 27 avril 2002

Lucien Hervé fut l’ami et le photographe attitré de Le Corbusier, il est également connu pour ses photographies humanistes. Lucien Hervé fait partie des grands photographes d’origine hongroise comme Brassaï, Kertesz, Moholy-Nagy, Capa.

L’acte photographique pour Philippe Brame n’est pas un artifice, mais une création, et l’objet – que ce soit d’ailleurs un portrait ou un paysage – , n’est pas un sujet quelconque, mais un être dont l’œil de l’artiste a pénétré le mystère.

Qu’importe le fait que les images de Philippe Brame soient celles de visages, de paysages ou de villages qui nous sont particulièrement familiers, chargés de souvenirs et de nostalgie, images du pays natal. Une observation de notre Bartok me vient à l’esprit, qui, se promenant dans la lointaine Anatolie, fut frappé d’entendre, par la fenêtre ouverte d’un paysan, un chant hongrois, pour apprendre qu’il s’agissait non d’un chant magyar mais d’un vieux chant populaire turc. Je pense que si Brame nous avait montré ses photographies en disant qu’il les avait prises en Kirghizie, notre émotion aurait été semblable. Elle était inspirée surtout – comment dire ? – par la manière de voir, par la spiritualité de l’art de l’auteur.

Ce qui distingue l’œuvre de Brame – car on peut déjà parler d’œuvre dansNson cas – , ce qui distingue sa thématique, son regard sur les terres, les eaux, sur les arbres, sur les hommes, c’est la profonde humanité qu’on y trouve, son amour de la nature et de ce qui est au delà de la nature.
Un travail conscient et généreux.

François Fejtö.
Ancien Directeur de l’A.F.P
Ecrivain, Journaliste
Septembre 2001

Sur trois notes
À l’écoute des photographies et poèmes de Philippe Brame
A peine esquissées les musiques parachevées ? Les ruines attesteraient que vain ne serait l’effort de bâtir ? Enfouis dans la terre, d’antiques vagissements, à l’épreuve de l’air, soudain, attendraient-ils leur premier cri ? Ils furent labeur de géants. Il y a longtemps, très longtemps. Souvent ensevelis, blessures parfois à fleur de sol, sans autre mémoire que la leur, muette, sourde. Nul autre sens que celui de leur beauté. Sans oreille, sans yeux pour l’entendre, la contempler, n’usurpe-t-elle pas son nom ? L’Omniscient esseulé lui suffit-il ? A’ Lui-même se suffit-Il ? Est-Il s’il n’est personne qui Le chante ? Solitude plus mortelle que celle du sommeil, ce « frère de la mort » : Solitude-Néant.
L’âme des os défunts espère son aède. Le sait-elle ? Qui le sait ? Nous le savons, qui déchiffrons ici une infime partition de cette espérance immense, infinie. Elle l’espère partout dans « ce canton détourné de la nature, j’entends l’univers », la terre, en un mot. Elle l’espère depuis des millénaires – une goutte d’eau dans l’océan des espaces et des temps-. Qui viendrait faire surgir, retentir, en quelques notes, l’hymne de louange des cailloux, des fragments, des pierres aux longues patiences ?
Voici un tel aède. Voici un tel chanteur. Voici qu’à son regard, à sa voix, des cailloux, des fragments, des pierres, que rien ni personne ne semblaient désigner à la polyphonie, dessinent, en savantes et simples figures, un trio de silence à l’écoute de l’Eternel.

Dominique Ponnau *
Historien de l’Art
Conservateur Général du Patrimoine
Directeur honoraire de l’École du Louvre
Ecrivain

* Dominique Ponnau : Agrégé des lettres classiques, il devient l’assistant d’André Chastel, il est nommé directeur du centre de civilisation française de Varsovie. Enseignant à la faculté des lettres de Lyon, il est devient conseiller technique auprès des ministres chargés des affaires culturelles : Edmond Michelet et Jacques Duhamel. Chef de l’inspection générale des Musées classés et contrôlés (1972-1977) il y conduit à terme de grands chantiers muséographiques (musées des beaux-arts de Quimper, du Petit Palais à Avignon, du musée Bonnat, etc.).

Nommé directeur des études de l’École du Louvre (1978-1981) il en devient le directeur en 1982. Il y mène un large projet de rénovation et de valorisation marqué notamment par l’inauguration en 1998 de l’école dans ses nouveaux locaux de l’aile de Flore du palais du Louvre. Son action a également porté sur la professionnalisation de l’enseignement, la mise en place d’un réseau international d’études et d’échanges, sur le développement de cours en régions et d’une politique de colloques scientifiques et d’édition.

Il a également été président du Centre européen d’art sacré (1978-1986) et président de la Commission pour la sauvegarde et l’enrichissement du patrimoine cultuel (1980-2005) au Ministère de la Culture Il est l’auteur de nombreux ouvrages de référence, ex : Caravage, une lecture aux éditions du Cerf (1993) ; Figures de Dieu, la bible dans l’art aux éditions Textuel (1999) ; Le difficile inconnaissable, in Area Revue, 2011 ; Le ciel indifférent avec Philippe brame aux éditions Ginkgo, 2014.

Texts about Philippe Brame

Four fingers on a surface which one supposes to be a back. An introduction to the heart of Camille Claudel’s sculpture, through the magic of the hand, the creative organ: the hand which holds the chisel, which cuts into the essence of marble itself, the hand which kneads  clay and gives it its life and soul. The hand is ever-present in the work of Philippe Brame, either on its own, or at the end of a hanging arm, isolated like a branch bearing fruit at its extremity.

Death is brought out with the image of Clotho, the old lady who unwinds the thread of life. The photographer has spent a considerable time scrutinizing this scraggy wan face, lengthened by an immeasurably long neck like a far-reaching fist – next comes what we take to be ‘The Waltz’. Philippe Brame never gives us a straightforward image of the object, he prepares it as one would a sketch. He has never spoken to me about the products he uses for his prints, but he must have his own secrets. What he lets us see is the matter rather than the subject, certainly present, like one stage in the process of creation. Camille Claudel used to say: “…..The idea alone is not enough; I want to clothe it in purple and crown it with gold.”

Philippe Brame seeks out the poem buried in the work; his camera sculpts the object to find the sublime behind the idea. The way he uses light alternates between gloss and matt. He plays with transparencies like a water-colour painting. Thus the image of a hair-bun is no longer a simple bun but a sandy beach lined with furrows. When Mr Brame photographs the face of “L’Implorante”, it is no longer “L’Implorante” , it’s the look of Camille Claudel begging and crying for help. The ghost of Camille appears; the object gives way to the subject. In this Philippe Brame could be deemed the worthy successor of Félix Nadar: “ It’s having a moral understanding of your subject which enables you to express the inner likeness”.

It is no longer an image which we get but almost a self-portrait of the artist. His lens scours the creases, the hollows and the lumps of this face ravaged by suffering.  A tear shines in her eyes.

Mr Brame’s photography is almost black. Only a hint of light is given to noses, thighs, mouths, or to an amalgam of limbs and heads.  Just like his poetry which only reveals itself in obscurity, taking his photographs  by the hand,  like “the spark jealous of consumed fire” accompanying every destiny. ‘L’Abandon’ emerges from the shadows, in the intimacy of the alcove, like a love poem.  So the work of the photographer comes to a close with the picture of  the skin texture of a back clasped by two hands.

Our gaze wanders drifting with the light which consumes the shapes and forms.

Reine-Marie Paris

Petite nièce de Camille Claudel

There are nights when the life of things appears in broad daylight, dismal stories become the repository where light begs for its own brightness. Baked clay, cast in bronze, exudes the sense of the ephemeral. The work to be photographed, to be written, has its soul cut out by the debris of a lifetime, a spark jealous of a consumed fire …

Like a lonely child, I have tried to read the carnal grammar, the words from matter and the secret link between forms.

Seeing without knowing, no singling out, holding out one’s hand, meeting gazes, allowing the breaking out of a life, of a work, safe from criticism and comment, to spread its molten lava into the depths of our own questioning of ourselves.

I believe that image and poetry let us see what cannot be shown, because what both of them lack inside is worthy of the absence they deplore.

@Philippe Brame

For Philippe, …

See – feel – examine – connect to – make sense of – perhaps
let your impulses flow – let your heart’s beats randomly wander
leap around – reach and probe – feel and taste – hear and listen
sing out – the fullness of the space – in the clay of the flesh
every nerve and sinew – a keyboard – a choir
rippling bodies in the light blowing wind.

Lorand Gaspar 2008

‘ The picture is what I am excluded from’ Roland Barthes stated with astonishing simplicity. To talk about the photographic eye of Philippe Brame, to try to  ‘cut out’, if I may say that, his creative method, would imply a neutral, even innocent approach as far as the viewer of  any photograph is concerned. For the first step in photography, perhaps more than in any other field of art, consists in insisting, not only on the initial rapport between the camera and the object, but on the presence of a third party, the viewer. Thus looking as a viewer is to look from a particular perspective and to take into account what separates us from what the picture does. In other words, it is just experiencing the fact that we are this ‘third party’.

The photographs of Philippe Brame ceaselessly bring out this visual experience of the third party. If I wish to be more explicit, I would say that it is just this which distinguishes the photographic work he carried out in Hungary from that of a journalist. It is the double challenge of photography: on the one hand the eye consciously fixes on such and such a phenomenon so that an angle of view is chosen. On the other hand, taking a photograph is nothing else than keeping a distance in the rapprochement.  In Philippe Brame’s work we find this initial representational stake which is the continual movement between proximity and distance.

I well remember when I saw one of these so-called Hungarian photos for the first time. The perspective is slightly off balance, the camera is looking up and is fixed on the sky and the clouds. But the real spatial frame is formed by two enormous blocks of flats on either side of the photograph. Yet the urban context, the architecture so typical of Hungarian suburbs, hardly evokes anything except the historic setting of this minimalist scene. I would say that it is a non-existent place, composed of debris, of fragments of a reality that I have always known. Here the visual elements have not only been chosen and arranged so that the viewer may have the experience of an encounter he has never had before, but what is more, he has to forget and leave behind him his knowledge and, if possible, his visual memory. This is the characteristic of Philippe Brame’s photography which critics have often assimilated, and rightly so, to the heritage of the language of Lucien Hervé, knowledge, the faculty and the ability to de-contextualise his subject. The subject, thanks to this painstaking work, offers itself to the viewer as something unknown.

Hence is found, as often with Philippe Brame, the simplicity and the fragility of the composition. Time suspended, a specific characteristic of photography, becomes here a silent insistence on a prolonged time that goes beyond its punctual and immobile character. I would willingly say that the photos of Brame ceaselessly search the specific movement belonging to their subject, behind a surface which has been cleaned and is devoid of any visual display. A strange moment, for a formal minimalist language which, for a long time has been referred to as formal metaphoric immobility, here is founded on continued movement. This movement is not necessarily linked to the theme but mostly to the composition. Still looking at the same photograph: dominating here are the vertical lines of the blocks of flats and that of the central lamp post. But look again; what is pictured is a definite structural menace, that is to say the anticipation of an unsettling structure, the future specific to the picture. The bicycle attached to the wall draws an imaginary horizontal that intersects and crosses the various vertical forms of the photograph. As so often with the photographs of Philippe Brame, the exact form is created by discreet evocation of and not the actual realisation of a movement. It is the line, which is aborted, cut, which evokes the line which goes on and on.

The bicycle provokes a horizontal movement that is never realised or accomplished, but its visual promise cuts violently through the picture. You need to look for these moments of pure condensation of visual language: the eyes of the children where each one is looking in a particular direction, together composing what could be called the lines of force of another picture, for example; or, in the contours of a hill, what is perceived as a river with its ever-changing flow; or again, so important to Philippe Brame, the rays of sun and the shadows over the body of the young girl playing with a hula-hoop, rays which give a particular value to the dirty and dusty ground, attracting the attention of the viewer. These photographs on show today offer us the occasion to look at the floating, fluctuating and living background of the subject matter behind the immobile nature of the photographic surface.

I consider that in these photographs there is both interior movement and immobility of the subject. I think and believe that one must look at them keeping in mind this paradox which states that immobility cannot exist without movement. Just like ‘light comes before the dark’, a phrase so important to Philippe Brame, photography finds its real challenge by going against its constraints founded on the suspended moment in time. These photographs make no pretence of giving us, with no division, space for the real and space for the picture, from which we know that we are always excluded, but they speak to us of the endless experience of creation which struggles against its formal constraints. It is an interior and intrinsic movement that we should be looking for in the photographs of Philippe Brame, and it is by this route that we will end up seeing a new form of immobility which one supposed, and wrongly so, to be a sine qua non of photography.

Szabo Marcell

A public museum is a place where a collection is put on display for all to see. It is a cultural venue, a meeting place and a place of freedom. There is no obligation, no issue. What happens here is for each and every one of us an intimate experience. And sometimes, miraculously, this alchemy of intimacy is shared. A creation gives birth to a new creation in full liberty. This is what has been given to us here, a new creation, born from the meeting between the sculpture of Camille Claudel and the photographer artist and poet: Philippe Brame.

I would like to dwell on the notion of liberty and the independence of the creation of a work of art. This was the fierce combat of Camille Claudel who, self-taught, began her career as an artist in the shadow of Rodin. From 1888 onwards her vital energy was focussed with ever increasing intensity on one single aim: to create her own personal body of work. It is with this in mind that the work of Philippe Brame is warmly welcomed to the museum here at Nogent-sur-Seine.

And yet the poetic genius of Camille Claudel shines out in many of his photographs: the suspended movement of the couple in ‘The valse’, the maternal sentiment full of gentleness in ‘l’Aurore’, a portrayal of ‘la petite fille des Islettes’ realised when the artist was pregnant, and, of course, the tension to be seen residing in the space between the hand of the man who is pointing in the direction of the young pleading girl and who inexorably stands out from the group in the l’Age mûr. In some way this particular sculpture announces the last page of Camille Claudel’s tragic life. The critics did not pay attention to or heed the significance of the work when it was presented to the public in 1898. It was Paul Claudel who unveiled its allegorical character in 1951: “ But no, this naked girl is my sister! My sister Camille, imploring, humiliated, on her knees, that superb being, the proud one, that is how she represented herself. Pleading, humiliated, on her knees and naked! All is over! It’s this that she has left us to gaze on forever. And do you know what? What she is tearing out of herself at this moment before our very eyes, is her own soul! Everything at the one and same time, her soul, genius, mind, beauty, life, and none-self.”

As a poet, Philippe Brame invests these closing words of Paul Caudel’s text and lets us live them through the beauty and the light of his work.

Françoise Magny

Conservateur en chef

About « SHADE’S GLORIES » by Philippe Brame

…/… Resurrection is not the opposite of Death – nor day the opposite of night. Day is the glory of night. Night is the womb of the day. Were we, against all evidence, to see day in the night of each day. Were we never to tire or weary , from the depth of the gloom, of trusting in the light to which the very darkness itself gives birth.
Were our hope to be cleared of all delusion. Were we to stop consenting to the vanity of words. Were we to leave a place for the Word. That is to say, for Silence. If we but listened to the light giving shape to the word of the night. This is what is offered us here…./…

Dominique Ponnau

Conservateur général du patrimoine
Directeur honoraire de l’Ecole du Louvre
Président du Comité du patrimoine cultuel
au ministère de la Culture.
Juin 2005.

About Philippe Brame

In the reading of the various texts dedicated to Philippe Brame’s work, it becomes clear that his work follows two working axes which join and     produce the      sensations felt in front of his photos. The working drawing, on one hand, with the choice to stop on the « detail » (which must not be understood as the trivial    element but on the contrary what makes the main part of what is shown). The duet shade / light could be taken as “Caravagism(3)”, if it didn’t offer images of a natural lighting often delicate, sometimes clear-cut. The photographer does not present the scene,     he offers a glance. The shade deceives the relief, the light, even tenuously, invites, as in the series on churches, to contemplation, to silence. He    allows us to have access to a privileged moment in time.   Exactly there where he has stopped to wait. Should the moment of the image captured in a fraction of a second last for ever? The shade which comes from the delicacy and strength of the offered light is immediate; his photos, « the shade of moment « . Do not contradict him. The spectator knows, too, that the suspended moment will disappear, has disappeared in fact and that what is offered places him in the immediacy of life. « If there is thus an opacity of “drop-shadow » by bodies, there is also a shade of the white, a “drop-light « , an almost immaterial light-time” (4) as Philippe Brame would say. But what makes the essence of the photographer’s work is clearly  expressed by his « Teacher » He, who knows, passes on his knowledge and offers much more than a legacy : « The photography speaks. Our glance listens… The drop shadows can disappear as the sun in a second and transform all that I see, but the glance remains unchanged, it registers what I see permanently in the heart of the movement. Let us take for example this horse’s eye, Philippe Brame has the courage to show the eye of a rich enough animal contrary to what we believe, and this is essential. Perhaps he knows how to wait until this eye opens by implication, instead of being satisfied with explaining. This morning I continued a conversation begun with him three years ago, aiming at the removal of the dregs still present in his works. I « cut out around the eye » reframed it until there were no more anecdotes. I like what he has learned to look at. I like hearing him say: the space is in the subject if it is really looked at; it is useless to add anything to it. There is no need for “space staging”, or if there is, it means there is no subject. That’s the photographer’s aim. Life; nothing less than life, of this less so much more!

Thank you”!

Lucien Hervé, Paris, April 27, 2002

Béatrice Meunier / Art Library Ephémère

2) Lucien Hervé ( 1910-2007 ) is one of the rare French photographers to ally humanist philosophy and architectural thought. His centring high angle shots, sights in oblique, a certain renouncement and a will of abstraction characterize a photographic style very different from that of his contemporaries.

3) In reference to the light which seems to emanate from the objects themselves

4) THE SHADE OF WHITE, Foreword of the catalogue Bernard Moninot, National Gallery of the Jeu de Paume, Christine Buci-Glucksmann, Paris, 1997

…/…In his poetry and in these photos, Brame does not only offer a new point of view but shares with us a moment of intimacy. Through Camille’s works, he unveils the soul of the artist, a metaphysical moment which forces introspection and meditation as well as a physical presence which is tactile and sensual, releasing a formidable, contained energy…/…

Jean-Yves Coffre / Directeur Centre d’Art Marnay Art Centre 2013

This is the characteristic of Philippe Brame’s photography, which criticism rightly often identifies with Lucien Hervé’s inheritance of language, namely, the faculty and power to de-contextualise his object. The object, thanks to this rigorous work, gives itself to be seen as unknown.

Szabo Marcell / Poet, translator 2015

After studying Agricultural Sciences, Philippe Brame went on to study literature. He continued writing poetry when he worked as an educator in a Medico – Educational Institute for blind children … This experience was to give birth to his research into the meaning of vision in his photographic work. He went to West Africa, where he was based in Senegal, as leader of a team at the Centre of Research and Documentation of the Sahel.  On his return to France, his meetings were to lead him towards a photography which reconciled existence with being and the visible with the invisible . In his work, Brame has always striven for a simplicity which discourages any analysis.

For him, light is not the opposite of dark, for light alone produces its own shadows . To learn to see is to open oneself to realities which do not exist.

Since 1994, Philippe Brame has lived in the department of the Aube. His photographic and poetic works are regularly presented in France and abroad. He regularly lectures and directs training in photography and poetry (Pedro Meyer Foundation in Mexico, Pannonhalma in Hungary, UTT in Troyes, KUU Espace Tokyo, etc.). He also worked in public secondary schools and colleges (PAG, etc.), as well as at the Domaine du Tournefou (artistic and cultural center, artists residences) in Pâlis where he set up his studio in 2000.

The photographic work of Philippe Brame has always moved me by a rare aesthetic quality, that of a depth that does not seek the effect but that finds and reveals it. This artist does not capture the mystery: he releases it. His eye shows that the secret of beings and things is offered only to the gaze capable of contemplating it, of allowing itself to be transformed, transfigured, gently, as though without thinking. No glance is unfit for the crossing to the haven of secrecy: it is enough to awaken his childhood asleep.

Dominique Ponnau

Conservateur General of Patrimoine, Honorary Director of L’Ecole du Louvre.

Philippe Brame’s photographic act is not artificial, it is creation !
The object – portrait or landscape – is not an ordinary subject but a being whose mystery has been penetrated by the artist’s eye

It doesn’t matter if Ph. Brame’s images are those of familiar landscapes, portraits,villages of our native country.
A word of Bartok comes to mind:while walking in the distant Anatolia he was suddenly struck by the melody of a Hungarian song coming out of the window of a peasant’s house and learning the moment after that the song was an old popular Turkish melody. I think that if Brame’s photographs had been taken in Kirghizie, our emotion would have been the same. The emotion is mainly produced by the way he looks at things, the spirituality in his art.

What distinguishes Brame’s work, his thematic, the way he looks at the soil, the water, the trees and the people is the intense humanity that one finds in it, his love for nature beyond nature.
A fully aware and generous labour.

François Fejtö.

Ancien directeur de l’AFP Ecrivain, journaliste Septembre 2001

Life is nothing less than life
As the photographs speaks,
Our eyes listen …
Displaced shadows can vanish like the sun, in an instant, and transform all that I see, but our vision remains unchanged, permanent even in the heart of movement

Looking at the horse’s eye for example ; Philippe Brame has the guts to show an animal’s eye.
With the richness that one wouldnt believe to be there, and that is essential.
Perhaps he knows how to wait patiently for the substance of the subject to open his own eyes.
Instead of being satisfied with simply telling (a tale ?).
This morning, I continued the conversation that I had begun with him three years previously, with the intention of removing the scoria still present in his works. I “cut down the eye” framing it
Until nothing unnecessary remained.
I appreciate what he learns to see.
I like when he says : “The space is given by the subject itself if one truly looks at it, It’s not worth adding to it. There’s no “creating an image”, or if there is, it means that there isn’t a real subject.”

In this sense, the photographer’s object is the inexpressible
Life is nothing less than life … this “less” being so much more !

Thanks you

Lucien Hervé
à Paris, le 27 avril 2002

Story Details Details Jaime 385

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